Dominant le village au Nord, l'église de Creuë, placée sous le patronage de Saint-Pierre et Saint Paul, est le résultat de siècles d'évolutions. Construite au début du XVIème siècle sur des bases romanes, elle a été agrandie dans la deuxième moitié du XIXème siècle.
La chapelle Sud et les deux premiers niveaux de la tour ont été élevés au XIIème siècle, les trois travées orientales de la nef et des collatéraux et le chœur au début du XVIème siècle, la travée occidentale, le dernier niveau du clocher et la sacristie dans la dernière moitié du XIXème siècle.
Cette église-halle échelonnée (la nef centrale culmine à 8.10 m mais ne possède pas d'éclairage direct) présente un plan rectangulaire (14 x 22 m) se fermant par une abside à 5 pans. Cependant, en y regardant de plus près, on se rend compte que les collatéraux sont très inégaux : en raison du relief, le collatéral Nord est nettement moins large que le sud et de ce fait le chœur est excentré.
L'église Saint-Pierre Saint-Paul et le cimetière l'entourant sont protégés dans leur ensemble au titre des monuments historiques depuis le 28 juin 1994.
Comme de nombreuses églises de Meuse, elle arbore quelques éléments défensifs de la fin du XVème siècle au début du XVIIème siècle.
Ainsi se trouve en aplomb de l'ancienne porte d'entrée une bretèche aujourd'hui tronquée car les combles-refuges ont disparu certainement dès le XVIème siècle.
L'archère sur la tour-clocher et les meurtrières de la tourelle d'escalier complétaient le système défensif, suppléé par la suite par des canonnières.
Quelques éléments remarquables sont à noter dans l'église.
Les têtes porte-cierge ?
Ces deux têtes placées à la base du deuxième pilier sud, à quelques 20 cm du sol sont certainement l'élément le plus mystérieux de notre église.
De facture assez archaïque pour le XVIème siècle, elles représentent un homme barbu avec un couvre-chef plat et une femme coiffée en chignon. Des traces de polychromie sont encore visibles, notamment les yeux, la bouche, la barbe et la moustache de l'homme.
Chacune d'entre elle a en son sommet un trou d'un diamètre de 2 cm et de 3.5 cm de profondeur. L'hypothèse serait que ces têtes seraient des porte-cierges. Peut-être y aurait-il également un lien avec la dalle funéraire de Régnier de Creuë située non loin ? Ou bien indiquent-elles le chemin pour les fidèles car elles sont placées face à l'ancienne entrée ? Peut-être également représentent-elles les châtelains du moment ? Mais faute d'éléments concrets pour le moment, toutes les hypothèses restent ouvertes.
A noter que certains autres piliers sont décorés de feuilles dont une possède un trou similaire, également dans l'alignement de l'entrée.
La dalle funéraire de Régnier de Creuë
Aujourd'hui dressée au-dessus de sont emplacement originel, cette dalle funéraire honorerai le chevalier Régnier de Creuë qui affranchit la population du village de la servitude de la mainmort en 1487.
Il est représenté en armure dans un cadre à accolade. Au coin à gauche on reconnait les armes dudit chevalier : d'or à croix de sable.
L'inscription, partiellement effacée par le passage des fidèles, nous indique : CY GIST HO(norable homme ?)..... DE LAMEGIR..... DE CREU DE LA MAINMORT QUI TREPASSAIT LAN V° ET VI (1506) LE XXIIII DAVRISL (24 avril) PR DIEU P (priez dieu pour lui).
La peinture murale
Le deuxième pilier Nord affiche une peinture murale du XVIème siècle représentant dans un cadre rouge Marguerite d'Antioche. Abimée au XIXème siècle par l'application d'un badigeon et surtout par la mise en place de la chaire, elle reste malgré tout dans un excellent état.
La légende raconte que Marguerite née à Antioche en actuelle Turquie se convertit au catholicisme et fait vœu de virginité. Persécutée par le gouverneur romain d'Antioche Olybrius, elle repousse ses avances. Elle est avalée par un dragon et en sort indemne en transperçant son abdomen à l'aide d'une croix.
C'est ainsi qu'elle est souvent représentée, comme à Creuë, "issant d'un dragon" : avec un dragon à ses pieds ou sortant du ventre ou de la bouche d'un dragon, une croix à la main.
En observant bien les murs de l'église, derrière le chemin de croix ou sur la tourelle d'escalier par exemple, on aperçoit à travers le badigeon d'autres cadres qui laissent penser que l'église à la Renaissance comptait de nombreuses peintures murales comme celle-ci.
Les fresques de Duilio Donzelli
Né en Italie en 1882, Duilio Donzelli reçoit un enseignement artistique complet avant d'obtenir son diplôme de professeur de dessin. Opposant politique, il s'exile d'abord au Luxembourg avant de s'installer en Meuse en 1925. Pendant 15 ans, il décorera plus de 40 églises de Meuse et sculptera monuments aux morts, monuments commémoratifs ou funéraires.
C'est ainsi que la municipalité de Creuë fait appel à lui en 1928 pour décorer le choeur dont les boiseries sont très abimées par l'humidité.
Il orne alors le choeur, sa voute mais également la chapelle romane. Ce sont ces fresques en grisaille les mieux conservées. Elles représentent notamment Eve à gauche et la Vierge à droite.
Outre ces éléments remarquables, l'église possède également une Vierge de pitié du XVIème siècle, des vitraux et des sculptures du XIXème siècle ou des objets liturgiques conservés pour la plupart au musée d'art sacré de Saint-Mihiel.
Bien que ce ne soit pas l'église la plus remarquable du département, l'église Saint-Pierre Saint-Paul de Creuë mérite le détour. Visitable désormais le week-end, n'hésitez-pas à vous y arrêter et pensez au gibet à 30 minutes à pied, ou l'abbaye de l'étanche à quelques 45 minutes.