samedi 29 juin 2019

Eglise Saint-Pierre Saint-Paul de Creuë

Dominant le village au Nord, l'église de Creuë, placée sous le patronage de Saint-Pierre et Saint Paul, est le résultat de siècles d'évolutions. Construite au début du XVIème siècle sur des bases romanes, elle a été agrandie dans la deuxième moitié du XIXème siècle.


La chapelle Sud et les deux premiers niveaux de la tour ont été élevés au XIIème siècle, les trois travées orientales de la nef et des collatéraux et le chœur au début du XVIème siècle, la travée occidentale, le dernier niveau du clocher et la sacristie dans la dernière moitié du XIXème siècle.

Cette église-halle échelonnée (la nef centrale culmine à 8.10 m mais ne possède pas d'éclairage direct) présente un plan rectangulaire (14 x 22 m) se fermant par une abside à 5 pans. Cependant, en y regardant de plus près, on se rend compte que les collatéraux sont très inégaux : en raison du relief, le collatéral Nord est nettement moins large que le sud et de ce fait le chœur est excentré. 



L'église Saint-Pierre Saint-Paul et le cimetière l'entourant sont protégés dans leur ensemble au titre des monuments historiques depuis le 28 juin 1994.

Comme de nombreuses églises de Meuse, elle arbore quelques éléments défensifs de la fin du XVème siècle au début du XVIIème siècle.
Ainsi se trouve en aplomb de l'ancienne porte d'entrée une bretèche aujourd'hui tronquée car les combles-refuges ont disparu certainement dès le XVIème siècle.
L'archère sur la tour-clocher et les meurtrières de la tourelle d'escalier complétaient le système défensif, suppléé par la suite par des canonnières.

Quelques éléments remarquables sont à noter dans l'église.

Les têtes porte-cierge ?
Ces deux têtes placées à la base du deuxième pilier sud, à quelques 20 cm du sol sont certainement l'élément le plus mystérieux de notre église.
De facture assez archaïque pour le XVIème siècle, elles représentent un homme barbu avec un couvre-chef plat et une femme coiffée en chignon. Des traces de polychromie sont encore visibles, notamment les yeux, la bouche, la barbe et la moustache de l'homme.
Chacune d'entre elle a en son sommet un trou d'un diamètre de 2 cm et de 3.5 cm de profondeur. L'hypothèse serait que ces têtes seraient des porte-cierges. Peut-être y aurait-il également un lien avec la dalle funéraire de Régnier de Creuë située non loin ? Ou bien indiquent-elles le chemin pour les fidèles car elles sont placées face à l'ancienne entrée ? Peut-être également représentent-elles les châtelains du moment ? Mais faute d'éléments concrets pour le moment, toutes les hypothèses restent ouvertes. 



A noter que certains autres piliers sont décorés de feuilles dont une possède un trou similaire, également dans l'alignement de l'entrée.

La dalle funéraire de Régnier de Creuë

Aujourd'hui dressée au-dessus de sont emplacement originel, cette dalle funéraire honorerai le chevalier Régnier de Creuë qui affranchit la population du village de la servitude de la mainmort en 1487.
Il est représenté en armure dans un cadre à accolade. Au coin à gauche on reconnait les armes dudit chevalier : d'or à croix de sable. 
L'inscription, partiellement effacée par le passage des fidèles, nous indique : CY GIST HO(norable homme ?)..... DE LAMEGIR..... DE CREU DE LA MAINMORT QUI TREPASSAIT LAN V° ET VI (1506) LE XXIIII DAVRISL (24 avril) PR DIEU P (priez dieu pour lui). 

La peinture murale

Le deuxième pilier Nord affiche une peinture murale du XVIème siècle représentant dans un cadre rouge Marguerite d'Antioche. Abimée au XIXème siècle par l'application d'un badigeon et surtout par la mise en place de la chaire, elle reste malgré tout dans un excellent état.
La légende raconte que Marguerite née à Antioche en actuelle Turquie se convertit au catholicisme et fait vœu de virginité. Persécutée par le gouverneur romain d'Antioche Olybrius, elle repousse ses avances. Elle est avalée par un dragon et en sort indemne en transperçant son abdomen à l'aide d'une croix.
C'est ainsi qu'elle est souvent représentée, comme à Creuë, "issant d'un dragon" : avec un dragon à ses pieds ou sortant du ventre ou de la bouche d'un dragon, une croix à la main.


En observant bien les murs de l'église, derrière le chemin de croix ou sur la tourelle d'escalier par exemple, on aperçoit à travers le badigeon d'autres cadres qui laissent penser que l'église à la Renaissance comptait de nombreuses peintures murales comme celle-ci.

Les fresques de Duilio Donzelli

Né en Italie en 1882, Duilio Donzelli reçoit un enseignement artistique complet avant d'obtenir son diplôme de professeur de dessin. Opposant politique, il s'exile d'abord au Luxembourg avant de s'installer en Meuse en 1925. Pendant 15 ans, il décorera plus de 40 églises de Meuse et sculptera monuments aux morts, monuments commémoratifs ou funéraires. 
C'est ainsi que la municipalité de Creuë fait appel à lui en 1928 pour décorer le choeur dont les boiseries sont très abimées par l'humidité.
Il orne alors le choeur, sa voute mais également la chapelle romane. Ce sont ces fresques en grisaille les mieux conservées. Elles représentent notamment Eve à gauche et la Vierge à droite.




Outre ces éléments remarquables, l'église possède également une Vierge de pitié du XVIème siècle, des vitraux et des sculptures du XIXème siècle ou des objets liturgiques conservés pour la plupart au musée d'art sacré de Saint-Mihiel.


Bien que ce ne soit pas l'église la plus remarquable du département, l'église Saint-Pierre Saint-Paul de Creuë mérite le détour. Visitable désormais le week-end, n'hésitez-pas à vous y arrêter et pensez au gibet à 30 minutes à pied, ou l'abbaye de l'étanche à quelques 45 minutes.

vendredi 25 janvier 2019

Le château d'Angers

Quand nous pensons aux Châteaux de la Loire, nous ne pensons pas immédiatement à celui d'Angers. Sans doute, car il ne se situe pas comme les plus connus entre Tours et Orléans. Sans doute également car sa silhouette résolument médiévale ne s'apparente en rien aux célèbres châteaux renaissance, comme le sont Chambord, Amboise ou Chenonceau, et dont le style est associé à l'idée que l'on se fait des Châteaux de la Loire. Et pourtant ce château royal, fait bien partie intégrante des 22 sites majeurs des paysages du Val de Loire inscrits au Patrimoine Mondial de l’Unesco. 

Sur son promontoire rocheux dominant la Maine, le château d'Angers déploie son imposante silhouette du XIIIème siècle que l'on doit à Louis IX et sa mère Blanche de Castille. Construit sur les restes de la ville antique fortifiée d'Andecavis, elle-même s'appuyant sur les fondations d'un oppidum gaulois et d'une tombe néolithique, le premier château des Comtes d'Anjou s'installe sur l'éperon rocheux au milieu du IXème siècle pour faire face aux menaces viking et bretonne. Il s'étoffe en même temps que le comté tout au long des XIème et XIIème siècles. Mais c'est au XIIIème siècle, alors que l'Anjou est repris aux Anglais par le royaume de France, que le château d'Angers est transformé en véritable forteresse imprenable pour les Bretons et les Poitevins partisans du roi d'Angleterre. Les 17 tours fortifiées du XIIIème servent alors d'écrin surpuissant au palais du Duc Louis Ier d'Anjou et de ses successeurs en particulier le roi René. L'enceinte est encore renforcée au début du XVIème siècle, mais dès 1583, le roi Henri III exige l'arasement des courtines et des tours. Prison, puis établissement militaire, le château est enfin restauré et accueille aujourd'hui la tenture de l'Apocalypse et est un des fleurons du tourisme angevin.

Château vu de la Maine
Château vu de l'intérieur - Châtelet, chapelle, tour du Moulin, enceinte et jardins

C'est  d'abord son enceinte qui s'impose à nous. Avec ses 17 tours rondes talutées de 13 à 15 mètres de diamètre, espacées l'une de l'autre d'une quinzaine de mètres, le château d'Angers n'a pas son pareil et garde encore une impression de puissance, malgré l'absence de l'étage supérieur des tours. Seule la tour du moulin, qui servait de support au moulin à vent du château, a gardé sa hauteur originelle d'environ 30 m.

Enceinte Nord Est - Tour du Moulin au fond

Enceinte Sud Est

Enceinte Sud

Enceinte Nord Est et son fossé

L'enceinte est percée de deux portes : la porte des Champs et la porte de la Ville. La porte des Champs en pierre calcaire sur les deux tiers de sa hauteur puis en appareil alterné  de schiste et de calcaire est particulièrement impressionnante. La porte charretière apparaît bien petite entre ses deux imposantes tours garnies de meurtrières puis plus tard de bouches à feu.

Porte des Champs

Porte des Champs et enceinte sud

La porte de la Ville, entrée actuelle du château, présente comme la porte des Champs, un système défensif élaboré, avec pont levis, double herse et assommoir.

Porte de la Ville

En pénétrant dans la cour du château, outre les jardins, on remarque d'emblée la chapelle Saint-Jean-Baptiste, construite fin XIVème début XVème siècle. On y pénètre par un portail gothique auquel il manque les statues l'encadrant, pour découvrir une simple nef à trois travées couvertes de voûtes d'ogives angevine, éclairées de grandes baies gothiques à remplage. Dans le mur sud est, on remarque les ouvertures vers l'oratoire privé du Duc qui conserve les traces de peinture rouge.

Portail d'entrée de la chapelle St Jean-Baptiste

Nef et sa voûte angevine

Oratoire privé du Duc

A droite de la chapelle, le logis royal se déploie sur 3 niveaux. Le roi René le fait construire entre la chapelle et la grande aile d'apparat. La façade nord présente de belles fenêtres à meneaux entre les contreforts éclairant des galeries voutées desservant les appartements.

Façade nord du logis royal et chapelle St Jean-Baptiste

En contournant la chapelle, on découvre alors le châtelet édifié lui aussi par le roi René en 1450. Sur deux étages, ce logis présente deux façades différentes : échauguettes à l'extérieur et tourelle d'escalier côté cour intérieure. Son aspect défensif n'est que symbolique.

Châtelet côté extérieure

Châtelet côté cour seigneuriale

En passant le châtelet, on atteint alors la cour seigneuriale.avec au fond les vestiges de la Grande Salle comtale, élément essentiel du Palais, ayant mesuré jusqu'à 40 m. de long.
 
Cour seigneuriale et vestiges de la Grande Salle Comtale
Cour Seigneuriale - Logis royal, chapelle St Jean-Baptiste et Châtelet

En 1950, on décide de construire deux ailes modernes, s'appuyant sur les vestiges du palais seigneurial, mais ne dénaturant pas le site, pour abriter la tenture de l'Apocalypse. Commandée par Louis Ier d'Anjou, cette œuvre médiévale majeure est exposée dans la cathédrale d'Angers après que le roi René l'aie cédée et ce jusqu'au XVIIIème siècle. Elle est restaurée entre 1848 et 1870, réintègre la cathédrale avant que la galerie de l'Apocalypse ne puisse l'accueillir dans les conditions optimales.
La tenture est à l'origine une tapisserie de 6 m de haut et 140 m de long (4,50m x 103m aujourd'hui). Elle se divise en 6 pièces comportant chacune 2 registres de 7 scènes, et représentant les visions de l'Apôtre St Jean décrites dans le Nouveau Testament sous le nom d'Apocalypse.







Quelle que soit notre provenance, quand on vient à Angers, on finit toujours par arriver au pied du château. Ne restez pas au pied, entrez et prenez le temps de découvrir ce château et le joyau qu'il abrite.